Au début du confinement, j’ai passé des heures sur les réseaux sociaux. Une vidéo rigolote sur Facebook, des conversations sur Messenger, lire l’actualité sur Twitter… A chaque fois que j’ouvrais une application, je scrollais jusqu’à une fin de non-recevoir. Comme un robot, je likais, je partageais ou commentais des publications qui n’en valaient pas vraiment la peine. Et puis, je me suis lassé. Est-ce vraiment grave si j’entends parler du dernier bad buzz que le lendemain matin en lisant le journal plutôt que la veille sur Twitter ? Dois-je m’en vouloir si je suis passé à côté d’une photo d’un ami qui est à l’autre bout du monde et qui profite de la plage ?
A cause des réseaux sociaux, mais aussi des smartphones de manière plus général, on ne passe plus de temps à se parler. On oublie aussi de regarder le beau paysage qui nous entoure ou de prendre du temps pour soi. Bien sûr, tout n’est pas noir. Les réseaux sociaux ne sont pas la seule cause du mal-être global de la société. Mais ils en sont en partie des responsables. D’où ma question : Quitter les réseaux sociaux, est-ce une bonne solution ?
Ces livres et documentaires qui nous font réfléchir
J’ai commencé à m’intéresser à la problématique des réseaux sociaux vers la moitié du confinement. Mes contrats de travail étant annulés à cause du Coronavirus, je suis arrivé à un trop-plein de réseaux sociaux. Livres, documentaires, ou articles de journaux, j’ai essayé de prendre le plus d’informations possible sur ce sujet, tout en réduisant ma consommation de ces plateformes. Et parmi les documentaires récents les plus intéressants : Derrière nos écrans de fumée (disponible sur Netflix). Le comble, c’était que j’avais entendu parler de ce documentaire sur Twitter.
Entre fiction et interviews de spécialistes triés sur le volet, ce documentaire est un bon moyen de prendre conscience des dangers des réseaux sociaux. Les scènes de fiction prouvent que les plateformes peuvent être un problème dans la construction d’un adolescent.
Les experts présents dans le documentaire racontent que les réseaux sociaux ne sont pas un mal en soi, même s’ils s’accordent à dire que l’on ne peut pas continuer comme cela. Comme le montre le documentaire, les algorithmes d’Instagram, de Facebook ou encore de Twitter ont été créés pour apporter à notre cerveau la dose de dopamine nécessaire à nous rendre accro. Notifications, tags, likes, trois petits points dans les conversations.. Tout est fait pour que l’utilisateur reste le plus longtemps possible sur les plateformes.
Et à cause des différents algorithmes, on ne finit par n’accéder qu’à sa propre vision de la réalité. « Chaque personne vit dans sa réalité, raconte Roger McNamee, l’un des premiers à avoir investi dans Facebook. Toutes les personnes de notre fil d’actualité ont un avis similaire. » Et lorsque l’on se met à discuter avec des personnes d’un avis différent, « on se dit comment peuvent-ils être aussi stupides ? Regardez toutes ces informations que je reçois. Comment cela se fait qu’ils ne voient pas la même chose ? La réponse est qu’ils ne reçoivent pas les mêmes informations », poursuit Justin Rosenstein, ancien ingénieur chez Facebook.
Sandy Parakilas, ancien directeur d’opération Facebook y va aussi de son alerte. « On a créé un système qui favorise clairement les fausses informations. Elles génèrent plus d’argent pour ces entreprises. La vérité est ennuyeuse. » Certains experts voient un avenir sombre à cause des réseaux sociaux.
J’ai aimé regarder ce documentaire. Mais je n’ai pas été totalement séduit. On peut se poser la question de la mise en ligne d’un tel documentaire sur Netflix qui utilise également des algorithmes. On peut également se questionner sur la raison pour laquelle d’anciens employés de Facebook, Twitter ou Pinterest choisissent de parler aujourd’hui. D’ailleurs, ils ne proposent pas réellement de solution, mis à part pour certains de désinstaller purement les applications, de supprimer les notifications, de ne jamais regarder une vidéo suggérée sur YouTube ou encore de remplacer Google par Qwant, un moteur de recherche qui ne conserve pas d’historique. Ironie du documentaire, le spectateur est encouragé à promouvoir le documentaire sur les réseaux sociaux. |
Facebook s’est défendu sur un billet de blog, estimant que le documentaire donne « une vision déformée du fonctionnement des plateformes et a créé un bouc émissaire pratique pour des problèmes de société qui sont plus difficiles et plus complexes. » Ils regrettent également que le « film ne donne pas la parole à des employés actuels ». |
Dans son livre Facebook, la catastrophe annoncée Roger McNamee avait tiré une autre sonnette d’alarme. « Sans contrôle, elles ne changeront pas de ligne de conduite. » Mais comment encadrer Facebook et ses 2,7 milliards d’utilisateurs à travers le monde ? « Aujourd’hui, Mark Zuckerberg contrôle et peut censurer les conversations de deux milliards de personnes », expliquait Chris Hughes dans un article de Ouest-France.
Dans son ouvrage, Roger McNamee raconte une anecdote : « Le 11 décembre 2017, le site The Verge a rapporté que Chamath Palihapitiya, ancien vice-président chargé de la croissance chez Facebook, avait dit : « Je crois que nous avons créé des outils qui sont en train de mettre en pièces le tissu social essentiel au bon fonctionnement de notre société. » Il avait nuancé ses propos quelques jours après expliquant s’être mal fait comprendre. »

Le difficile encadrement législatif
Alors que font la France et l’Union européenne ? Ces derniers temps, l’Union européenne a réagi devant la multiplication des fausses informations pendant la pandémie. Un code européen de bonnes pratiques contre la désinformation (lien en anglais) avait même été signé en 2018 par Facebook et Twitter. L’objectif ? Aider les plateformes à lutter contre les fake news. Pourtant dans son rapport datant de juin 2020, l’UE estime qu’ « il est nécessaire que les plateformes des médias sociaux intensifient leurs efforts, partagent plus d’informations, fassent preuve d’une plus grande transparence et rendent compte davantage ». Lancé en juin 2020, l’EDMO (Observatoire européen des médias numériques), un autre outil créé par l’UE, a pour objectif de comprendre et d’analyser la désinformation, notamment en collaboration avec les réseaux sociaux.
Et en France ? En septembre 2018, Mounir Mahjoubi, le secrétaire d’État chargé du Numérique, parlait d’une possible loi française qui pourrait encadrer l’addiction aux médias sociaux. Mais pour le moment, encadrer législativement les plateformes en ligne est compliqué. Trouver le juste entre milieu liberté individuelle et interventionnisme dans une société moins libre de ses paroles et de ses gestes n’est pas une mince affaire. La loi Avia, consacrée à la lutte contre certains contenus manifestement haineux en ligne, a été publiée au Journal officiel du 25 juin 2020. Le texte obligeait les plateformes à rendre inaccessible les contenus illicites, sous peine d’être condamnés. Mais le Conseil constitutionnel a supprimé ces obligations de la loi. Comme l’écrit La Croix, « Le conseil a jugé que ces obligations portaient à la liberté d’expression et de communication une atteinte qui n’est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi ». Il souligne aussi le « risque pour les opérateurs de supprimer des contenus qui soient licites. »
Même le patron de Facebook souhaite être mieux encadré. A moins que cela soit un effet d’annonce ? En février dernier, Mark Zuckerberg était invité de la 56e Conférence sur la sécurité à Munich. Le patron de Facebook avait annoncé vouloir que le contenu en ligne soit soumis à une réglementation intermédiaire entre celle des opérateurs télécoms – qui ne sont pas responsables si quelqu’un tient des propos « illicites » à travers la ligne téléphonique – et les journaux et médias qui eux peuvent être attaqués en justice. A la suite de cette intervention, Le Point a interrogé Thierry Breton, commissaire européen chargé du numérique qui avait rencontré le PDG de Facebook. Il a déclaré que les mesures « ne vont pas assez loin ». « Si les plateformes n’interviennent pas en cas d’abus, on sera obligé d’intervenir de façon plus stricte. »

Il est peut-être temps d’encadrer législativement les réseaux sociaux. Car on ne compte plus le nombre d’études scientifiques mettant en avant les côtés néfastes des plateformes. Bienvenue dans le monde de la dépression, de la manipulation, de la désinformation ou du risque de dépendance.
Les réseaux sociaux nuisibles pour la santé ? Ce que disent les études scientifiques
Les fausses informations restent l’une des principales plaies des réseaux sociaux. En novembre 2016, Facebook avait été accusé d’avoir favorisé l’élection de Donald Trump en laissant des fake news ou infox circuler. Cette année, une étude publiée par le Reuters Institute de l’université d’Oxford (site en anglais), indiquait que sur les 225 informations erronées publiées en anglais, 59% étaient restés disponibles sur Twitter sans aucun commentaire du réseau social sur la pertinence de l’information. Même constat alarmant du côté du Centre contre la haine en ligne. Cette ONG à but non lucratif a répertorié 649 publications partageant des fausses informations sur Instagram, Facebook et Twitter entre le 20 avril et le 26 mai 2020. Bilan ? 90,6% des publications n’ont été ni supprimées ni étiquetées.
L’anxiété et la dépression sont d’autres maux des réseaux sociaux. Durant l’été 2019, la revue scientifique JAMA Pediatrics (lien en anglais) publiait une étude menée par des chercheurs du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine (Canada). Pendant quatre ans, 3826 adolescents âgés de 12 à 16 ans ont rempli des questionnaires sur leur état d’esprit. Et tu l’as deviné : plus les ados passaient du temps sur un réseau social, plus ils présentaient des symptômes dépressifs. En novembre 2018, une étude publiée dans le Journal of Social and Clinical Psychology (lien en anglais) arrivait au même résultat : un usage limité des réseaux sociaux diminue l’anxiété. Selon les chercheurs, réduire l’utilisation des réseaux sociaux à 30 minutes par jour améliore sensiblement le bien-être.
Mais les plateformes présentent aussi quelques avantages
Cet article ne veut pas être une diatribe contre Facebook, Twitter ou encore Instagram. Car, oui les réseaux sociaux présentent aussi quelques bons côtés. Dans Twitter et les gaz lacrymogènes : Forces et fragilités de la contestation connectée, Zeynep Tufekci enquête sur l’usage de ces plateformes par les manifestants. Selon l’auteure, les médias sociaux permettent de fédérer, de rencontrer des personnes aux idées semblables et de partager ses convictions avec le plus grand nombre. Ils ont notamment joué un grand rôle pour l’émergence du mouvement Black Lives Matter, d’abord aux Etats-Unis et, par la suite, dans le reste du monde.
Dans son livre, Zeynep Tufekci ne veut « pas de distribuer les bons ou les mauvais points, encore moins de proposer les recettes du succès ou de l’échec », car comme elle l’écrit « la technologie n’est ni bonne ni mauvaise ; et n’est pas neutre non plus. » |
Une étude parue en 2013 assure que les réseaux sociaux ont un impact positif sur la qualité de l’amitié. Une autre étude datant de 2016 met en avant quelques avantages comme le « renforcement des compétences chez les adolescents timides » (l’étude met aussi en avant l’aggravation des problèmes de santé mentale parmi les côtés négatifs).

Utiliser les réseaux sociaux peut aussi être une bonne idée pour les demandeurs d’emploi. LinkedIn, Viadeo, ou même Twitter et Facebook sont parfois exploités à bon escient. Certains utilisateurs rivalisent d’imagination en créant des CV originaux vus par des milliers d’internautes.
Faut-il quitter les réseaux sociaux ?
Après avoir lu cet article, tu peux te poser la question : « Faut-il quitter les réseaux sociaux ? » Répondre à cette question est difficile, car ces applications peuvent être bien utiles. « Elles sont devenues indispensables à la vie économique et démocratique » rappelle Jérôme Colombain, dans son livre Faut-il quitter les réseaux sociaux ?.
Alors partir ou rester ? Chacun fait comme il l’entend. Je connais de plus en plus d’amis qui ferment leur compte Facebook, tout en gardant leur profil Twitter ou inversement. Mais, on peut encore utiliser les réseaux sociaux à bon escient. Dans le documentaire Derrière nos écrans de fumée, les experts conseillent de désactiver les notifications pour ne pas avoir envie d’y aller ou de suivre des personnes avec qui vous êtes en désaccord pour débattre.
Pour ma part, j’ai désinstallé les applications Facebook, Instagram et Twitter de mon smartphone, sans les quitter (je n’ai pas encore envie de couper le cordon). Mais j’ai réduit drastiquement mon temps sur ces plateformes. Fini Twitter avant d’aller me coucher. Fini Instagram en prenant mon petit-déjeuner. Certaines semaines, je ne me connecte à aucun réseau social. Pour le moment, ma plus longue période d’abstinence a été de 9 jours. Et désormais avant de dormir, je prends ma tablette pour lire. Les livres ont remplacé des publications longues de 280 signes. Et comme l’on dit, plus c’est long, plus c’est bon.
Très intéressant comme d’habitude 🙂 je suis assez d’accord avec le fait que les réseaux sociaux sont le reflet de notre société et ne doivent pas être vu comme foncièrement mauvais, mais il est bon d’éduquer les personnes qui les utilisent et encadrer juridiquement les données stockées
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Merci 🙂 oui, encore faut-il savoir comment encadrer juridiquement les données. C’est toujours compliqué : on ne sait pas réellement où s’arrête la liberté d’expression.
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Un article très intéressant, surtout ce week-end avec cette actualité dramatique. Les réseaux sociaux ont joué un grand rôle dans l’engrenage de cet attentat honteux.
Je me pose aussi souvent la question d’arrêter ou non. Je suis carrément addict c’est un fait et je suis persuadée que je vivrais mieux sans y etre autant. Le truc qui me freine ce sont mes blogs, pour faire fonctionner un blog il est difficile d’etre invisible sur les réseaux sociaux.
Je trouve que tu as choisi une bonne solution : retirer les applications de ton smartphone et n’y aller que via le pc, c’est ça?? C’est une solution qu’il faudrait que j’adopte.
Au moins que je tente d’adopter.
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Oui, je n’y vais plus que depuis mon PC et j’ai retiré toutes les applis. C’est vrai que le côté négatif, c’est que je ne vois pas tout de suite les messages que je peux avoir. A certains messages privés, je mets plusieurs jours à répondre et ça, c’est le gros point noir. Mais comme l’on dit mieux vaut tard que jamais 🙂
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Très bon article
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Article super bien documenté, je me suis régalée.
Pour moi, le principal problème est le temps que nous passons dessus. J’avais lu un interview d’un concepteur de jeu (type candy crush), il disait que le but premier de tout son travail, c’était de « gaspiller notre temps ». Ainsi nous étions moins éduqués et devenions (à moins que nous le soyons déjà) des consommateurs écervelés. Ça m’avait fait froid dans le dos !
L’autre point que tu soulignes, c’est le problème de l’information qui nous ai donné à lire qui sera toujours en accord avec notre façon de penser initial (en fonction des groupes ou de nos likes)… ou comment tuer l’esprit critique.
Les solutions : passer moins de temps sur les RS et avoir d’autres sources d’informations. Avoir déjà conscience de ces aspects négatifs est un grand pas ! Éduquons la jeunesse à être mieux armées !
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Merci beaucoup 😊 . Oui, j’ai commencé à passer moins de temps sur les réseaux sociaux et ça fait réellement du bien de s’en éloigner !
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Il fauit savoir faire la part des choses et consommer cela avec modération! Cet article doit nous sensibiliser et nous responsabiliser! Bravo pour la tenue de l’ article.
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